Bleu de Siam.

Bleu de SiamSur les pavés  de la  rue Saint-Paul, la gitane aux yeux turquoises a le bleu dans le cœur.

Le bleu est là, interminable, ineffaçable, insolent, profond comme un lac de bohème.

Le bleu de son foulard, de ses pendants d’oreilles, de ses yeux, de ses cheveux. Tout est si bleu qu’aucun miroir n’a su le retenir.

La sœur siamoise de la mer tend le bleu de ses yeux vers un point qu’elle est la seule à voir. On la dirait sortie toute vivante d’un tableau du Titien ou de Véronèse, à moins qu’elle n’ait contemplé trop longtemps le mur de  Voronet.

Elle joue pour le monde

Elle joue des airs du monde.

Ses doigts courent sur les reflets du nacre comme dix ballerines en folie.

Elle joue la vie, elle joue les couleurs qui font le monde. Ses épaules ondulent, ses bras s’ouvrent et se ferment sur les soufflets du temps, doucement, comme pour mieux porter le souffle de la musique et de la vie.

 

papillon1La gitane de la rue Saint-Paul a les yeux couleur trottoir.

Des yeux plus gris que des pierres de pluie.

Sa robe ondule et souffle comme le vent qui vient de loin, à bas, de l’autre coté de la mer, de l’autre coté des terres.

Le vent du pays où les rois vont en espadrilles et les princesses en lambeaux de soie.

Elle danse.

Elle danse la vie, le soir qui bleuit doucement  les montagnes de bohème, le feu qui éclaire le camp, le temps qui passe, l’accordéon qui s’ennuie, la guitare qui sonne comme un cristal dans la pagaille de la nuit, la pluie qui va venir, celle qui ne viendra pas, le vent qui se fend sur l’angle du chariot.

Elle danse les promesses que ses jambes qui arpentent le monde font aux hommes qui la veulent. Elle danse la danse des femmes qui donnent naissance quand la nuit s’efface sans bruit.

Elle danse le bruit des femmes qui rient, le bruit des enfants qui crient en courant dans la nuit.

La voila sœur siamoise de la terre.

Sur les pavés de la rue Saint-Paul, la siamoise aux yeux turquoise et la jumelle de la terre font chanter les couleurs de la vie.

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