je t’attendrai à la gare.
Posted on 31 juillet 2016 in Dormir debout
Il y a des gens qui croient qu’une gare, c’est tout un entrelacs de voies et de quais, de passages et de sémaphores, de hauts parleurs et de bancs où ceux qui attendent de partir regardent arriver ceux qui viennent d’ailleurs.
C’est comme ça. Pour le monde, les gares c’est des va et vient de voyageurs qui voyagent et de badauds qui les attendent dans le ballet incessant de ceux qui vont et viennent au gré des arrivées et des départs.
C’est une affaire de grandes personnes, c’est quelque chose de sérieux, il y a des règles, des horaires, des places et des numéros, des voies à ne pas traverser, des affichettes et des inscriptions de chiffres et de lettres qui ne veulent pas dire grand chose. Et puis il y dompteurs à casquette qui n’ont pas peur des trains, qui savent apprivoiser les monstres de métal, les graisser, les jauger avant de les regarder partir vers la gare d’après.
Mais il n’y a pas que les trains qui jouent à cache cache ; une gare peut en cacher une autre….
Dans une gare, il y a du monde, c’est normal puisque les gares relient le monde par deux cordes de métal qui traversent les prés, les bois et les montagnes avant de s’embrouiller pour quelque temps dans les villes dortoirs, pour quelque temps seulement avant de repartir vers la ville d’après.
Toi tu aimes tout ça, les montagnes, les chemins et tout le reste.
Ça y est, j’entends le train qui vient la bas, de l’autre coté du tunnel. Il doit passer tout juste en dessous de Salmon, juste quelques secondes, quelques secondes encore et il jaillira du tunnel.
J’entends crisser les freins, il ralentit. Il va s’arrêter et toi tu descendras avec ton bon sourire et ton grand sac à dos plein d’affaires de toi.
C’est fou les trains ; c’est -comment dire?- des pourvoyeurs de bonheur. Peut-être qu’il suffit d’un train pour que tout se reprise.
Tiens, ne me dis rien, je vais tout te raconter d’avant le temps de maintenant ; la route, les voies, les trains, les gares et les bouts du voyage…
Il n’y besoin de rien pour faire une gare, même pas besoin de crier, il faut juste trouver un point sur le ruban de l’infini, un quelque part ou des gens du monde pourraient avoir envie ou tout au plus besoin d’arriver ou de partir ; une destination au hasard de million d’autres.
On ne fait pas une gare pour faire une gare, on ne la met pas n’importe où ; juste aux endroits où on est sur que les gens vont avoir envie de s’arrêter pour un moment, venir voir un parent, embrasser leur grand-mère, venir en vacances ou en fête de famille…Bref, on choisit le meilleur endroit pour le meilleur des choses.
La destination, c’est le meilleur des gares sur les quais des arrivées. Les quais des départs, c’est autre chose, c’est toujours triste de voir les gens partir, et ceux qui partent ne sont pas non plus bien rassurés s’ils vont jute chercher du travail ou faire leur service militaire.
Çà met la boule au ventre. On se retourne et on regarde les arbres s’éloigner, les peupliers et puis le petit poirier de curé juste avant le tunnel…
Mais ça y est, le train s’arrête et toi tu vas paraître à la portière, juste après le chef de gare qui va crier avec son accent du midi “Auxillac Montjézieu, une minute d’arrêt“
Tiens, c’est qui ce bonhomme qui s’essuie le front en descendant lourdement sur le quai? Un maquignon si j’en juge par sa blouse d’indienne noire, ou peut-être qu’il vient seulement se loueur pour la saison ou ferrer des bœufs. Le contrôleur l’aide à descendre sa carriole, c’est un rémouleur…Vu le raidillon du sentier pour attraper la route, il est pas en haut le bonhomme ; je l’aiderais bien mais je préfère porter tes valises.
Voila la sœur qui revient de l’Aveyron, puis Joseph le cheminot qui vient en repos pour quelques jours, puis Alain qui revient de l’armée en tenue de militaire.
Puis plus rien
Le contrôleur remonte et ferme la porte et toi tu n’es pas là.