Le temps des colonies
Posted on 21 février 2013 in En sourire
Il y a longtemps que ce moment se prépare.
Le marquage du linge de rubans aux traits rouges sur blanc, l’achat du nouveau sac à dos, la gourde, le porte monnaie et les recommandations de la grand-mère qui ne sais pas nager, n’a jamais vu la mer, mais qui en sait plus sur les baignades et surtout les noyades que le maitre-nageur de La Canourgue.
Il est dix heures du matin et le rendez-vous a été fixé par le courrier de confirmation d’inscription à la colonie : Le car de Mende prendra les marvejolais et les colons des environs à dix heures précises sur la place du Barry.
Neuf heures trente, tout le monde est sur le pied de guerre, il ne s’agit pas de se faire remarquer le premier jour en arrivant en retard.
Il y des groupes qui se forment, les familles qui se connaissent, les plus anciens qui en sont à leur troisième séjour…
Et puis il y a ceux qui sont seuls ; désespérément seuls.
Il y a ceux qui ont mal au ventre parce qu’ils ne connaissent personne, ceux qui ont déjà bu la moitié de leur gourde, ceux qui ont oublié leur flacon d’Antésite à la maison, ceux qui serrent dans leur poche une pièce de cinq francs donnée par la mémé, ceux qui ont peur d’oublier l’adresse de la famille, ceux qui ne veulent pas partir, ceux qui sont contents de partir parce qu’ils savent que pendant trois semaines on ne va pas les frapper ou les forcer à manger des salsifis.
Il y a ceux qui ne sont jamais partis en vacances, ceux qui n’ont jamais vu la mer.
Tout ce petit monde attend l’autobus dans la tiédeur du soleil qui monte vers Lachamp.
Au fur et mesure de l’avancée des aiguilles, une chape de silence s’abat sur les familles, on parle bas, on se rapproche, on se raccroche, on se rassure à mots feutrés, on s’enlace pour conjurer le temps qui passe.
On fait un point des dernières recommandations, on reboutonne une chemise, on tire sur une jupe, on réajuste une casquette…
Soudain, la bas, dans un grondement du tonnerre, le vieux chausson de la Colonie fait son entrée sur l’esplanade.
L’autobus cahote, se rapproche, et, dans un crissement de freins stoppe sa vieille carcasse à quelques mètres des familles médusées.
Le chauffeur, qui n’est autre que l’abbé directeur de la colo, descend suivi d’une jolie monitrice qui commence l’appel des colons en les priant de confier leurs bagages au bon père qui les engouffre dans le ventre de l’autocar.
“On ne garde que les sacs à dos” .
Un dernier bisou, les cœurs et les gorges se serrent, les larmes se montrent ou se cachent selon la profondeur des désarrois.
Le vieux chausson démarre dans un nuage de fumée, la vitesse craque et hurle comme une bielle en peine et le convoi s’ébranle vers les routes du midi.
Bientôt, le pique nique au Caylar, puis les routes du midi, l’arrivée à la colonie, la répartition vers les pavillons de destination, la première nuit.
le réveil sur Vivaldi, les sorties, les baignades, la piscine, la plage, le Fort Brescou, les ateliers, les matinées courrier.
La visite d’Agde pour l’achat des souvenirs, le Saint Loup, les jolies monitrices aux grands cheveux qui sentent bon les reflets de l’amour…
Et voila déjà le temps du retour à l’envers, ce temps qui vient trop vite et qui serre le cœur au moment de finir cette belle aventure.
Dans un an, tout recommencera.
Un jour, plus tard, on reviendra en moniteurs, on reverra tout ça : la mer, Rochelongue, les dunes, les flots, la poussière du chemin, l’odeur forte des marais, le fort Brescou, les boutiques d’Agde, les soirées pyjamas, les jolies monitrices aux lèvres sucrées qui se fondent dans le parc avec les ombres de la nuit.
Le temps des châteaux de sable, temps joli des colonies.