Châtillon : le temps perdu

Pour un fervent défenseur de la laïcité, ce lycée du temps passé s’appellera toujours Châtillon, avec ses salles de cours austères, ses immenses salles d’étude, ses dortoirs pour jeunes filles, son labo, ses cours de récréation aux parfums de tabac, ses arbres gigantesques témoins de premier émois ou d’échanges clandestins….

Tout un temps qui se replie en quelques jours sous les coups des engins de chantier.

Le temps qui passe passe, avec sa corde fait des nœuds” disait Verlaine. Ici, chaque nœud du temps porte un histoire, un prénom, une voix parmi des voix dont beaucoup se sont tues.

Le temps qui passe attise le silence, ce messager de l’ombre qui porte la question posée à la question, et nous entraîne  vers une improbable promenade dans ce monde où l’on entend errer l’âme du bruit.

Oui, ici le temps et le silence se mêlent pour faire pousser les adventices de l’oubli, mais les souvenirs s’arcboutent,  résistent et se confortent pour donner vie aux bribes du passé.

Temps jaloux, voleur des mémoires, as tu oublié que le lycée est pour les grecs une école de philosophie proche du temple d’Apollon? Oui, le lycée c’est pour nous un temps majeur d’apprentissages, des découvertes, de peurs, d’ennui ou de premiers émois ; le temps du grandir, le temps du bahut et la boite, des premières clopes, des colles que l’on prend et de celles que l’on snife en tubes, des murs que l’on fait sans jamais être maçon, le temps des pions et des profs aux surnoms évocateurs.

C’était le temps d’apprendre, le temps de la recherche.

Le temps passe et les édifices du savoir s’effondrent, mais il ne faudrait pas que la disparition des  murs de Châtillon préfigurent l’effacement d’un service public d’enseignement laïc au profit de quelques marchands de savoir aux ordres d’une société de plus en plus livrée aux convoitises du marché.

 

Comments are closed.