Le premier train

Aujourd’hui est un grand jour pour tout le monde. Hier la sœur nous a présenté le journée à venir ; un voyage en train vers Notre dame des neiges.

Il faudra tout prévoir ; la musette avec le casse croûte, une pièce de cinq francs pour le voyage, une gourde, un cache nez parce que la haut il faut froid, des bonnes chaussures parce qu’il faudra un peu marcher et une pièce de un franc pour rapporter des cartes postales à mémé parce qu’elle n’est jamais allé la haut et qu’elle aimerait voir comment c’est , c’est pour ça qu’elle m’a donné les sous.

Cette nuit, je n’ai pas trop bien dormi, j’ai fait plein de rêves, que le train allait trop vite et ne pourrait pas s’arrêter à Auxillac pour nous prendre, et puis, j’ai entendu dire par Joseph qui travaille à la compagnie que, des fois, les trains déraillaient alors j’ai pas trop envie de me casser la pipe.

Ce matin, il fait doux, le printemps est venu se poser doucement sur la vallée. Tout le monde est là pour la grande aventure. Rares sont ceux d’entre nous à avoir pris le train ; moi je l’ai déjà pris mais j’étais bébé pour revenir de Marseille alors je peux pas m’en rappeler. J’étais trop petit.

Un bisou aux mamans ou au mamies et on s’enfonce vers le chemin des vignes qui longe la route neuve qu’ils viennent de goudronner.

C’est mieux de passer par là parceque sur la route neuve il y a des voitures qui roulent trop vite et qui pourraient nous écraser ; alors on pourrait pas aller à l’abbaye des neiges.

Le chemin des vignes est bien propre et on entend des “tchac tchac” ; c’est monsieur Bouniol et monsieur Jouve qui piochent la vigne. Ils nous font bonjour avec la main, on leur dite un bonjour qui sonne comme un matin.

Le chemin de vigne s’incurve, on prend un bout de route neuve et voilà le sentier qui descend vers la petite gare. Le sentier est raide et la sœur fait bien attention avec sa longue robe de le pas tomber.

Il faut obéir, se tenir bien au bord, en ligne, le dos appuyé sur le mur de la gare pour ne pas être écrasés par le train qui va arriver parce-qu’on entend un grondement dans le tunnel. Certains se bouchent les oreilles, d’autres écarquillent les yeux pour voir arriver la micheline.

Ça y est, le train rouge et blanc est là. Le monsieur à casquette ouvre la porte et crie : “Auxillac-Montjézieu, une minute d’arrêt“. C’est le contrôleur, il est tout puissant, c’est lui qui décide d’arrêter et de faire partir le train, c’est le commandant en chef “Allez les enfants, en voiture!

Le train s’en va, d’abord doucement, puis les arbres passent de plus en plus vite au fur et à mesure que le “toutoutoum” des roues sur les voies deviennent de plus en plus rapprochés.

Voila le Monastier, il faut changer de train en vitesse pour aller vers la Bastide ; c’est la correspondance.

Et puis voila les villes, les villages, les prés et les champs, les passages à niveau, la pente qui s’élève….

Au loin, on voit l’abbaye, on est arrivés tout près, il reste à un peu marcher et enfin on y est.

En rang et en silence, on va vers le grand réfectoire des moines pour manger notre repas tiré de la musette.

Une  belle journée qui n’est pas prête d’être finie dans le monde du silence.

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