En sortant de l’école
Posted on 2 septembre 2025 in Un jour
Je me suis souvent demandé ce que Jacques Prévert, un homme pour qui j’ai la plus grande admiration, voulait dire dans son poème “En sortant de l’école”
Et puis d’ailleurs, quelle drôle d’idée de vouloir sortir de l’école sans y être entrés!
Il y a tant et tant de façons de sortir de l’école.
– La récré
– La punition
– La fugue des buissons
– Le monsieur du ramassage
– Papa ou maman à la porte
– Grandir et changer de classe, changer d’école.
– Jeter le cartable aux orties
– Mettre les cahiers au feu et les maîtres au milieu
Tout un programme, mais il y a autre chose….
En 2025, deux cent cinquante millions d’enfants ou d’adolescents sont privés d’école dans le monde. Je le mets en toutes lettres, pour que celles et ceux qui savent lire comprennent, parce qu’on est assommés par les chiffres, et que les sceptiques diront qu’on leur fait dire ce qu’on veut aux chiffres ; mais les mots?
– Les mots qu’on ne peut pas apprendre
– Le mots qui sont des ordres
– Les mots interdiction
– Les mots sentences
– Les demi mots
– Les mots qui griffent les oreilles
– Les mots qu’on ne saura jamais lire, mais que le monsieur, la haut, manipule comme des ballons
– Les mots que la fillette ne peut pas mettre sur ses maux qui tordent son ventre de douleur
– Les maux de ceux qui travaillent à la mine
– Les maux des garimperos qui croupissent dans la boue pour l’illusion d’une pépite
– Les mots qu’un enfant ne dira jamais plus, à Gaza ou ailleurs, parce qu’un enfant meurt en silence
Les enfants se taisent devant ce qui les dépasse.
Moi je croyais que l’école était un sanctuaire, un lieu tranquille et apaisé, un havre comme on dit la haut, dans le Nord de la France.
Un jour, correspondant de presse, j’ai recueilli le témoignage d’une maîtresse qui enseignait à Yzieu en avril 1944. Elle n’a pas pu aller au bout de son témoignage, car il croisait l’horreur de ce qu’elle avait vu ce jour là.
Ses larmes étaient des larmes d’enfant, des larmes pour des enfants.
Moi je préfère dire les choses avec les mots d’écolier de mon enfance, des mots sucrés trempés dans la douceur de l’école d’Auxillac.
Ça sent bon le bois qui réchauffe
la craie,
les encriers,
les pages des cahiers,
le velours des buvards,
Les lames du plancher,
et les souliers mouillés