Vingt et une heures rue de Lyon
Posted on 17 octobre 2016 in Un jour
Vingt et une heures et des poussières dans la rue de Lyon qui mène de la dite gare à la Bastille
Les brasseries, les hôtels et tout ce qui fait ville. Ici la ville ressemble à toutes les villes du monde parce qu’elle est ville, et donc essentielle avec ses gens, ses murs, ses vitrines, ses lumières et ses trottoirs.
Vingt et une heures, pas une de plus ; mais qu’est une heure quand on est passé des années tout à coté des choses sans les voir. Je dis “on,” mais je conteste au pluriel le droit de nous révéler qu’un groupe de personnes peut tomber dans ce travers. On est passé parce que le “on” est juste le messager d’une culpabilité individuelle renvoyée sur une responsabilité collective, à moins que…
Fermons le ban, et revenons au socle de la ville : le trottoir. La ville est faite de trottoirs, mais ils perdent parfois leur consonne terminale pour révéler, au singulier, une bien étrange réalité.
“A la bonne heure!” disent les bon vivants quand ils se targuent d’avoir ramenés les mauvais sur le bon chemin….
Il est vingt et une heures sur le trottoir de la rue de Lyon. Fatigué d’une interminable journée, je rentre tranquillement vers l’hôtel de la Nièvre en remontant la rue de Lyon. Un temps, un moment, une promesse de repos….
Le temps s’égraine au fil des pas.
Une femme marche lentement, ses reins ondulent doucement dans le va et vient des gens qui passent. Je la suis parce que c’est mon chemin, et qu’elle est pour moi une femme parmi des milliers de femmes dans cette ville qui défile….Elle est vêtue d’un chemisier noir et d’une jupe rouge muletta.
Je pense au toréador de “Carmen” et de la mise en garde de celle qui mit un jour l’archevêque de Tolède à ses genoux.
Une autre femme marche à ses cotés, quelque mètres en arrière, tout près de moi ; bustier orange, pantalon collant noir et chaussure blanche à talons.
Des prostituées!
Trop tard, me voila pris en tenaille, coupable du trottoir, du moment et de mon insouciance.
Je m’échappe avec un sourire et elles passent à autre chose, remettent à d’autres passant leurs offres d’un moment.
Une heure et demie plus tard, je reviens dans la rue de Lyon.
La femme à la robe muletta est toujours là, la femme aux chaussures blanches, et puis la grande blonde aux cheveux longs qui caressent ses reins, et puis celle femme qui s’avance vers moi, femme comme toutes les femmes de la rue et qui ouvre sa veste pour dévoiler une poitrine digne des fastes de la cour.
Il y a aussi ces deux amies qui flânent sur le trottoir d’en face ; et tous ces hommes qui les évitent et passent leur chemin.
C’est est trop, je veux comprendre, je veux savoir. Je rentre dans un bar et commande à boire. Les belles de nuit continuent leur va et vient sur le trottoir.
J’engage la conversation avec le patron : “C‘est bizarre, javais jamais remarqué une telle concentration de filles sur le trottoir ici.” Il fait un geste vague de la main vers un ailleurs qu’il est le seul à connaître “c’est rien, avant c’était bien pire…” et devant ma stupéfaction-ou mon aveuglement- il rajoute “….mais maintenant, pour les clients, c’est 1 500 € d’amende“
Même en ayant intégré les enseignements des philosophes péripatéticiens, il reste difficile dans ces conditions de comprendre les lois du marcher….