J’attendrai ton appel.

C’est pas grand chose, juste un peu de temps qui passe comme ça en espérant la  sonnerie sourde et rocailleuse qui viendra d’un moment à l’autre.

C’est tout à faite ça, une sonnerie sourde, comme si celui qui la provoque avait voulu glisser des feuilles de papier entre le timbre et le marteau.

Une façon comme une autre de rappeler que le téléphone a peu à peu remplacé les timbres et le papier dans le périple des mots.

Des coups de fil qui ne tiennent qu’à un fil ; un fil fragile qui serpente dans les méandres des vallées pour atteindre les sommets.

C’est juste du temps, le fil du temps, le temps de l’attente, le temps de ce qui va venir, le temps des mots qui tournent en rond dans le cocon d’une cabine.

Les mots des autres, de ceux qui s’accrochent pour ne pas raccrocher.

Les mots ballotés au fils d’Allo.

Les mots qui relient, tournent des pages, les cornent et les écornent pour marquer les termes désaccords.

Les mots qu’on voit de loin mais que l’on n’entent pas dans les trois quart profils qui changent de pieds comme des guetteurs fatigués, les mots d’épaules rehaussées qui soutiennent le combiné quand le parlant farfouille dans le fond de sa bourse pour trouver la pièce qui étire et combine le temps.

Des mots que l’on devine dans les plis des regards qui s’éclairent ou s’obscurcissent au gré des mal entendus.

Des mots désordres qui tournent en rond dans l’écho de la cabine, qui reviennent, s’étouffent, s’effacent, se superposent dans le trouble des passions de ceux qui parlent comme des livres.

Des mots rangés dans les règles des phrase, des mots juste pesés, juxtaposés pour porter le fer de la discorde dans le camp de l’autre coté.

Des mots qui scènes de famille, des mots qui tranchent dans le vif, des mots qui apaisent, qui soulagent, qui rassurent ou laissent planer le doute.

Des mots qui vont trop vite parce qu’ici aussi le temps c’est de l’argent, les mots sonnent au rythmes des pièces et redoutent la venue des silences contraints par le fin du crédit.

Tout ça pour dire, avoir le temps de tout dire : parce qu’ici les mots prennent enfin leur revanche.

Ici, les mots se livrent, se couchent et filent sur le papier pour raconter des histoires.

Ici les mots se cachent dans les livres.

Ici les mots sont prénoms d’Algérie, sable ocré du désert ou suant des arènes. Les mots sont nuits sans fin ou clair du jour d’après.

Tous les mots se réchauffent aux rais de l’alphabet, ouvrier infatigable d’alpha et d’oméga qui les tire  jusqu’au au plus profond des rêves, jusqu’aux plus loin des souvenirs. Il arrange les modes et conjugue les temps au bon vouloir des lettres qui, mises bout à bout filent la trame des avenirs.

Consonnes et voyelles s’assemblent en pleins et déliés parés d’indigos, se couchent sur le cahier cousu au fil blanc d’avenir pour ciseler les verbes.

Mais peut-être que sur le chemin du temps, consonnes et voyelles s’approchent et se parent d’accents qui sonnent comme des cloches qu’on sonne à l’accroche des consonnes.

Tout ça le temps d’un appel.

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