Ils ont brûlé Correjac.
Posted on 25 mars 2013 in La Peste
Il y a longtemps que le village est par terre, longtemps que ne montent plus vers le ciel que les plaintes des habitants, le larmes des orphelins, les mères qui meurent doucement en serrant leurs enfants dans les bras, les hommes qui se trainent pour leur donner un semblant de sépulture avant de mourir à leur tour.
Pour les habitants du hameau, le christ s’est arrêté un peu plus bas,la bas, de l’autre coté du Pont de Salmon. A croire que les dragons qui enferment le village dans sa désolation ont aussi réussi à lui barrer le passage.
Ici, tout n’est que ruines et deuil depuis ce jour ou un homme a porté la terrible maladie qui emporte le monde dans des souffrances atroces. Plus de nouvelles de nulle part, le village est cerné. Les hommes vont deux fois par semaine dans le pré de l’Azuel pour récupérer les quelques vivres et les remèdes prescrits par les médecins de Marvejols.
Une aide de fortune que les autorités leur déposent avant de souffler dans un cor et s’enfuir vers d’autres abris.
Pas un jour sans que la peur ne hante les foyers. Les portes se referment tous les soirs sur des vies sans avenir, le mal est là qui rode comme une bête malfaisante en attendant son tour de déformer les corps en putréfiant leur chair.
Peu à peu, la maladie a eu raison du village, les fenêtres se sont éteintes, les portes ne se referment plus que sur des souvenirs, les rats continuent leur sinistre périple en semant la maladie et la désolation.
Fortuné n’en peut plus de cette vie qui s’en va un peu plus chaque jour, de ces yeux qui se ferment, de ces voix qui se taisent, de cette prison à tombeau ouvert qui bouche son avenir. Il sait que cette nuit sera la dernière dans le lit qui l’a vu naître, ce lit ou sa mère a perdu la vie pour que vienne la sienne.
Au petit jour, les dragons vont brûler le village.
Nuit d’horreur et de grande solitude, mélange de voix aimées qui s’estompent dans le flou du temps qui efface les jours heureux, souvenirs de regards, de tendresses et de baisers perdus qui débordent son être, cauchemar éveillé, peur de ce jour qui n’en finit pas de venir pour effacer les traces d’un passé emporté par les morsures du mal qui a ravi les siens.
La bas, vers Chaumazelle, le jour entame sa carrière. Les dragons sont là, un foulard sur le visage et une torche allumée à la main.