Le corbeau du Mazel

On me dit mauvaise langue, ami des sorcières, messager de malheur, oiseau de mauvais augure…

Lafontaine me dit vaniteux et stupide, les juges font de moi un délateur.

Les superstitieux se signent en me voyant tournoyer sur leur maison, les manants n’empoisonnent, les chasseurs me menacent de leurs foudres.

Symbole de sagesse, il m’arrive d’entrer dans la maison des hommes, pour les observer, essayer de comprendre leurs faiblesses, leur incapacité à s’élever.

Je viens du fond des temps, les poètes me chantent. Edgar Poe fait de moi un messager de l’Au delà, Castaneda s’est perché dans mon monde pour un voyage de trois jours, Niles a visité mon esprit, Hitchcock fait de moi une menace, Rimbaud un charognard, Clouzot m’accuse de semer le trouble.

Qui sait que dans le grand Nord mes ancêtres conseillaient le dieu Odin? Blanc chez les grecs, j’ai été paré d’un plumage noir par le dieu Apollon pour me punir d’avoir failli à ma mission de veiller sur la belle Coronis. D’autres prétendent que je retrouverai au fin des temps mon plumage multicolore perdu à cause de mon goût pour les charognes.

En Égypte, je conjure le mauvais sort, je préviens l’homme noir des dangers qui le menacent. J’ai renseigné Noé sur la fin du déluge, porté du pain au prophète Isaïe ;  et pourtant on m’accuse d’avoir montré à Caïn comment enterrer son frère assassiné.

Les indiens me disent fripon parce que je sais percer le voile des ténèbres  sans jamais me perdre.

Mais je parle, je parle et je ne vois pas le temps passer, d’ailleurs pour moi qui vis si longtemps, le temps compte bien peu.

Aujourd’hui, j’ai vu la fenêtre ouverte et des hommes assis, maladroits et incapables de voler ; c’est donc tout naturellement que je me suis invité à leur table et ils m’ont beaucoup amusé…

 

 

 

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