La femme de l’autre jour

J’ai vu cette femme, l’autre jour ; mais de là à savoir quel jour….Peut-être un vendredi si j’en juge à son regard perdu dans la fatigue d’un temps beaucoup trop lourd pour elle.

Une femme comme on en rencontre quelques fois, sans vraiment les voir au moment de les voir, et puis elles reviennent un jour dans des éclats de passé, un peu comme la bohémienne de Montréal aux yeux couleur trottoir, la gitane du Sacromonte, la jeune femme d’Agadir ou lavandière de l’Ourika , la boulangère de Pisac ou l’indienne des salines,  les femmes des couleurs ou encore cette femme qui est passée sans le voir tout près de l’homme qui a faim. Et que dire de cette chanteuse dans la nuit sans fin d’une rue de Mexico? Et puis, tu sais, une rue, c’est rien du tout.

Mais là, c’est une femme qui se perd dans l’illusion d’une rencontre qui n’en est pas tout à fait une, elle passe tout simplement, comme celle de la Grand place, ou plutôt comme cette femme automate qui erre sur la place de Santiago de Compostelle ou encore comme celle qui fait les cent pas dans la rue de Louvain. Une femme, c’est un peu comme une montagne. Et si la femme était musique, comme la harpiste du marché?

La vie des femmes est réglée, comme une horloge. Elles sont le souffle de la terre.

Et puis, bien sur, il y a Louise, et çà aussi c’est une histoire vraie qui s’est passée tout près d’Auxillac.

Une femme comme une autre, pour autant que deux femmes puissent se ressembler quand elles perdent leurs repères et souffrent de mille mots. Et puis, toutes les femmes ont été un jour des petites filles qui avaient un oiseau dans la tête,

Oui c’est ça, tout à fait ça. La femme de l’autre jour ne s’y retrouve plus, elle est juste là sans trop savoir pourquoi, figée, immobile, perdue dans un brouillard qui la dépasse, assourdie par les mots qui lui viennent malgré elle des rives ensanglantées du Dniepr et sombrent comme des éclats d’acier dans les eaux glacées de la mer noire.

Des éclats de sang, ce sang qui vient du corps des femmes et qu’elles exposeront, peut-être, un jour à la fenêtre. Le sang perdu pour dire que la vie pourra venir, celui perdu quand vient la vie, et celui qui un jour ne revient plus.
Et le pire, c’est que les femmes aussi font la guerre.

Pour elle, pour le moment, le vent d’Est ne porte rien de bon.

Elle ressemble à ces femmes que l’on voyait il y a longtemps orner les timbres postes, du temps où les gens prenaient un peu de temps pour s’écrire et engageaient quelques centimes pour faire voyager les mots et reposer les armes.

Mais aujourd’hui les mots sont des armes qui voyagent avec la lumière, se moquent des frontières et tuent avant même qu’on ait le temps de les lire.

Les mots se mélangent dans les nuages comme autant de gouttes de pluie qui ne font plus rien pousser et emportent tout sur leur passage.

Le parler vrai
La solidarité
La juste valeur des choses
La justice
La fraternité
Les piliers du vivre ensemble

Des mots fracassés dont les éclats embrument le regard de la femme qui se souvient des timbres poste d’autrefois.

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