Dans la lumière d’Agadir
Posted on 10 septembre 2017 in C'est la vie
Dans la lumière de la rue des souks, un homme marche lentement, appuyé sur une canne escamotée par son burnous couleur trottoir.
La lenteur et le peu d’assurance qui saccade son pas laissent penser que la vieillesse est venue, doucement, sans que l’homme ait eu le temps de l’accueillir comme il le voulait du temps où il se disait qu’il avait bien encore le temps de la voir venir.
Affalé sur son vélo, dans l’ombre du porche qui mène vers le souk, un homme le regarde descendre doucement les quelques marches qui le séparent du contrebas.
Contre le pylône de l’entrée de la galerie poussiéreuse, un chat rêve du temps où ses ancêtres accueillaient les bienfaits de Râ sur les rives du Nil.
On dirait que personne ne voit personne, que le temps n’est pas à voir pour le moment. Le chat regarde ailleurs, l’homme au vélo regarde sans voir le vieillard que la lumière a fui.
La vieillesse n’est pas venue seule, elle est venue avec la nuit sans fin pour cet homme qui ne saura jamais que le soir le soleil s’enfonce doucement dans le golfe d’Agadir, se teinte d’orange puis de rouge et finit comme englouti par les vagues de l’océan.
Dans le passage couvert, un artiste a peint sur les murs les couleurs de la vie près de la rivière Ourika. Des maisons, des palmiers, des rochers, une rivière qui coule au milieu d’hommes et de femmes qui reviennent du lavoir.
Tout ce que l’aveugle ne pourra jamais contempler.
Le soleil descend doucement sur les plages d’Agadir. Les flots et le soleil se retirent en même temps pour leur voyage de la nuit.
Dans une tenue ocre qui ne libère que ses avant bras et ses mollets, une jeune fille est accroupie dans les vagues de l’océan.
Elle a la beauté des filles de l’atlas, son visage reflète le cuivre des rayons qui dardent l’océan. Ses bras rythment une danse dont elle seule connait les mouvements. Ses cheveux d’ambre fauve ondulent et flottent avec le vent.
Elle est juste belle comme le soir.
Pas question ici pourtant, même pour cette adolescente, de laisser l’eau et le soleil caresser son corps de jeune fille. Ce corps qu’elle doit cacher aux regards des autres, qu’elle ne pourra montrer qu’à celui à qui elle appartiendra.
Ce corps dont elle n’a pas la pleine liberté de mouvements.
Elle ondule, soulève son t-shirt pour que l’eau caresse sa poitrine, s’accroupit pour sentir l’eau glisser entre ses cuisses et répète ces mouvements en riant.
Soudain, la nymphe d’Agadir se lève d’un bond, tend ses bras vers le ciel comme si elle jetait des pierres à dieu, et rejoint en courant la plage des pudeurs où les femmes en robe noire posent timidement leurs pieds sur le sable humide sous l’œil sévère de leurs maris.
Le soleil descend doucement dans le golfe en forme de lune, comme s’il voulait voir encore courir ce joli corps dont seul peut-être l’aveugle de la rue des souks saura deviner la beauté dans la nuit qui attend le jour qui ne vient pas.