Boulevard Hassan II, dix heurs du matin et un peu plus mais qu’importe le temps pour le cireur de souliers.

Pour lui, le temps c’est comme les chaussures des gens Rien à cirer!

Des jours et des gens qui passent, par dizaines mais rien ni personne ne s’arrête.

Alors il cire, machinalement ses propres souliers pour ne pas perdre son temps comme ça, sans rien de plus, pour avoir l’impression de faire quelque chose. Il brosse et rebrosse dans tous les sens ses chaussures de tennis qu’il a gardées aux pieds

Des chaussures noires et usées, avec une aile blanche sur le coté.Mais qu’importe l’aile blanche quand le vent ne porte pas les affaires.

Lui, il a juste faim il veut juste travailler, faire ce qu’il sait faire, cirer des souliers.

Une femme passe, grande blonde parmi les brunes d’orient haut perchée sur ses hauts talons rouges, mais il ne voit rien d’elle juste ses chevilles halées et une chainette dorée.

Des souliers de femme qui passent et qui claquent des secondes sur les minutes de son ennui.Fichu métier que celui de cireur de souliers…

Il ne voit pas les gens, ne regarde jamais leur visage il ne voit que leurs pieds.

Les pieds des gens qui passent et n’ont rien à cirer du cireur de souliers. Alors il cire, patiemment, méticuleusement ses souliers usés d’avoir été trop cirés.

Et quand il n’a plus rien à cirer il rêve des rêves dorés comme les cheveux de ces femmes aux sourires sucrés qui viennent toutes farfouiller dans son petit panier usé de cireur de soulier.