Quand le poste de radio en fait un peu trop.
Posted on 23 septembre 2015 in En sourire
C’est arrivé dans les années soixante à Correjac.
Enfin, quand je dis que c’est arrivé, je ne suis pas tout à fait dans le bon ordre des choses ; disons que ça s’est passé ce soir là, mais que ça venait de bien plus loin parce que le canular du poste de radio avait été soigneusement préparé, et dans le plus grand secret.
C’était par une belle soirée d’automne dans la maison de l’oncle et de la tante de Corréjac, une maison toujours largement ouverte où les gens allaient et venaient au rythme des journées, de leurs travaux, de leur envie d’un café ou d’un simple besoin de parler. En clair, la maison n’était jamais fermée et tout le monde y trouvait sa place quand il le voulait.
Ce soir là, il est prévu une “grazillade” de châtaignes, un moment festif assez fréquent dans les soirées d’automne, et tout le village y est invité, ce qui fait qu’il y a une bonne vingtaine de personnes assises autour de quelques bouteilles de vin blanc, d’une ou deux fougasses achetées l’après-midi au boulanger Deltour, d’une bouteille de limonade et d’une cafetière fleurant bon le café fraîchement passé.
Il n’y avait pas encore de télévision dans la maison, il n’y en avait qu’une dans le village, chez monsieur Martin. Nous allions y voir Zorro le jeudi et la piste aux étoiles une fois par mois, mais ce n’est pas le sujet ici, c’est pourquoi j’en parle au passé. Mais revenons au présent de cette soirée haute en couleurs.
Tout ce petit monde de tous ages est donc attablé à l’heure des informations dans le poste de radio, et comme de coutume quand retentit l’indicatif du journal radiophonique, chacun tend l’oreille pour savoir, sinon comprendre, ce qui se passe dans le monde.
Les nouvelles vont bon train, le journaliste parle du président de la république, de la guerre du Vietnam, du président des états unis et du temps qu’il fera demain. Avant de prendre congé, le speaker annonce qu’il va donner les nouvelles locales de Correjac.
Les anciens retiennent leur souffle, un silence à couper au couteau s’abat sur la cuisine. C’est bien la première fois qu’on parle du village dans le poste de la radio. L’assistance est bouche bée, d’autant plus que les nouvelles annoncées dans la radio sont complètement fantaisistes, voire particulièrement alarmantes.
On y parle de martiens qui vont venir chercher des jambons, on y parle de déplacer la fontaine et le four du village en haut de la montagne de Rochalte, on y annonce la visite prochaine du président de la république, on y parle de déplacer certaines maisons pour faire passer le chemin de fer.
Toute une série d’informations plus incroyables les unes que les autres. L’assistance est stupéfaire, certains se révoltent d’autant plus qu’ils sont directement concernés par certaines informations. Ma grand mère prétend que ce journaliste est un “foutral” et on entend ça et là fuser des “mais c’est pas possible, ils deviennent fous dans ce poste.“
Toute histoire a une fin, et le pot au rose est découvert quand l’auteur du canular – qui se reconnaîtra dans cet article et à qui je laisse le soin de s’identifier, si ce n’est de se dénoncer, et d’apporter en commentaire toutes les précisions sur les fausses nouvelles qu’il a égrainées ce jour là – éclate de rire dans le poste et fait du bruit dans l’escalier qui monte aux chambres de l’étage.
Un fil électrique inhabituel passe dans l’interstice d’une planche et descend vers le poste de radio. Notre bricoleur de génie qui suit des cours d’électricité et d’électronique a tout simplement piraté le poste et personne n’y a rien vu.
Il a suffi de remonter le fil pour trouver un micro et un plaisantin qui a fait passer des sueurs froides dans le dos des convives crédules qui, une fois leur surprise passée, ne peuvent que constater avec un certain soulagement que les châtaignes ont refroidi.
One thought on “Quand le poste de radio en fait un peu trop.”
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Bonsoir
je viens de relire à nouveau l’histoire de ce canular, de Corréjac, (au poste de radio) cet après midi immémorable (des années soixante, je me souviens plus l’année exacte) merci à Guy qui nous a si bien raconté cette belle histoire, même s’il en a un peu rajouté, mais bon, il y a beaucoup de vrai !
Beaucoup de participants du village étaient présents à cet après midi mémorable, là plupart nous ont quitté depuis, mais nous les oublions pas, ils sont là dans nos coeurs.
Ca y est je me suis enfin dénoncé, mais je pense que vous l’aviez bien compris le foutral de cette histoire c’était moi
@ + bonne lecture à tous
Gégé 48