Des mots et des bleus sur une orange

une orangeIl y a tant et tant de lieux, de temps et du supports pour écrire. Des murs, des tables, des feuilles, des toiles et des bancs.

Les mots se posent facilement, comme des vagabonds fatigués de se perdre sur des chemin qui ne mènent nulle part.

Il suffit juste de leur donner à boire et une chaise où s’asseoir, un peu d’encre et quelques couleurs, et les mots reprennent leur forces pour faire leur chemin dans la tête des enfants.

C’est l’histoire d’une orange arrivée un jour de nulle part dans la vie d’un petit garçon. Et d’ailleurs qu’importe d’où pouvait venir l’orange puisqu’elle était là, et c’est le principal. Pourquoi vouloir tout expliquer? Quelle vienne du bout du monde ou de chez le marchand, elle est pleine de soleil en dehors et de croissants de lune en dedans.

C’est juste quand elle se met à parler qu’on cherche à savoir d’où elle vient et qu’on se dit qu’elle aurait bien pu rester la bas, sous le soleil de l’Algérie ou de l’Espagne.

C’est l’histoire d’une femme plus vieille que son age, une femme plus en age d’avoir des enfants, mais les enfants ne savent pas si une femme peut ou non les avoir. D’ailleurs, ça ne les regarde pas.

C’est des histoires de grands, les enfants ne savent pas d’où ils viennent, et encore moins où ils vont, ils laissent couler les jours de l’enfance. Le jour, la nuit, la pluie sur les vitres, le vent qui siffle sous le porte, le pain dans l’armoire du bas et l’odeur du café au lait ; voila les vrais gardiens du temps.

Et puis il y a le facteur, le peillarot et le papète, et même des fois le docteur qui disent des gros mots ; celui qui en dit le plus, c’est le peillarot quand on l’accuse de truquer la balance pour payer moins cher les peaux de lapin. Celui là, un de ces jours le diable le manquera pas. Le maquignon a toujours un mégot au coin des lèvres et crie aussi fort que le klakson du boulanger quand il en a après le bon dieu …

En vrai, c’est l’histoire d’un enfant qui disait des gros mots sans trop le vouloir, juste parce qu’il ne savait pas  pourquoi il y avait des mots qui étaient plus gros que les autres ; à moins que les mots grossissent en même temps que les gens qui les disent…

Non, les mots sont tous pareils, il n’y a que les hommes qui sont plus ou moins gros, ça dépend de leur métier. Les facteurs et les médecins ne sont pas gros, les peillarots  non plus, ils sont même secs comme des coups de trique ; par contre les maquignons, les bouchers et les boulangers sont tellement gros qu’il leur faut deux paires de bretelles. C’est comme ça.

Pour les femmes, c’est une autre histoire, des fois elles sont grosses, des fois pas, ça dépend de plein de choses, mais en principe elles ne disent pas de gros mots, alors c’est pas différent.

C’est l’histoire de cette femme qui ne voulait plus entendre de gros mots, et l’histoire d’un enfant qui ne savait pas qu’il disait des gros mots quand il répétait les mots du facteur quand le chien lui aboyait dessus, les mots du papé quand il se brûlait en allumant le feu ou les mots du docteur quand il disait qu’il avant plein le…. des gens qui le faisaient venir à toutes les heures pour un pet de travers.

Ça ne pouvait plus durer.

Elle avait bien essayé de lui faire peur en lui glissant la nuit des diables dessinés dans ses chaussons, des diables avec des yeux comme des soucoupes et des cornes de bélier, des diables qui disaient qu’ils allaient bientôt venir chercher le petit garçon s’il continuait à dire des gros mots.

Lui savait pas d’où ça venait, il avait juste peur du jour où il viendrait pour de vrai.

les mots en bleuMais si le peillarot, les maquignon et le docteur étaient toujours là, c’est que le diable avait d’autres choses à fouetter la bas en Afrique ou en Chine.

Pas de doute, s’il devait venir punir les diseurs de gros mots, ces trois là seraient les premier à aller rôtir dans les flammes de l’enfer.

Et puis un matin tout a changé, le diable n’était plus dans les chaussures, il y avait juste au pied du lit une belle orange bien pleine.

Une orange avec des maux à fleur de peau.

 

 

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