Jean de la lune
Posted on 5 janvier 2016 in Dormir debout
Tu vois la haut, si tu regardes bien le pli de l’œil, le nez et surtout la pommette, tu vois bien qu’il y a un bonhomme qui se tient dedans.
Il faut voir aussi le chapeau, une drôle de casquette,un béret rabiciné ou peut-être les cheveux qui ont pris un coup de vent, mais en tout cas il a bien un quelqu’un la haut ; c’est Jean de la lune.
Bien sur, on ne le voit pas tous les soirs car il n’a pas non plus que ça à faire, il lui arrive de regarder ailleurs ou de se tourner un peu de coté et là on le voit moins, c’est normal, il est loin et comme c’est la nuit, il n’y a pas trop de lumière.
On peut pas dire qu’il se cache ni qu’il fasse tout pour se montrer, il est là, c’est tout.
C’est vrai que des fois on le voit le jour, et là on le voit mieux, mais c’est pas tous les jours, c’est juste quand le soleil a rendez-vous avec la lune, et ça c’est leurs affaires, ils les règlent ensemble et c’est pas forcément qu’ils ont envie qu’on les regarde faire leur vie car ces moments sont précieux pour eux.
Je te parle pas là de ce petit garçon qui courait dans les bois sous la lumière de lune en se disant que comme la nuit est le contraire du jour, peut-être qu’il pourrait voir son ombre courir debout tandis que lui glisserait ventre à terre sur les cimes des fougères.
Je te parle pas non plus la femme de bois qui respire, celle qui est sortie d’un tilleul et poursuit son ombre au clair de lune. On dit que c’est la faute du berger qui l’avait sculptée dans le tronc, elle lui avait demandé de lui laisser quelque temps pour se voiler, parce qu’elle était toute nue, mais lui s’est retourné trop vite. Elle ne voulait pas qu’il la voit toute nue alors qu’il l’avait modelée de ses propres mains…
De toute façon, ces deux là, il peuvent courir tant qu’ils veulent au triple galop, comme le cheval de Victor Hugo, ils mettront plus de cent ans à sortir de leur ombre et autre cent ans à la distancer.
Je te parle pas non plus de ces gens qui sont dans la lune, parce qu’ils ont pas les pieds sur terre. Ceux là sont juste des distraits qui badent avec des fils de lumière au coin des lèvres. Ils rêvent que tout va bien et écoutent le temps passer en attendant de voir tomber la nuit.
Comme si la nuit tombait…Les hommes sont naïfs, la nuit ne tombe pas, au contraire.
On tombe quand on perd de la force, comme un bœuf assoiffé ou un cheval à bout de souffle. A l’inverse, la nuit prend de la vigueur quand elle vient, la nuit ne tombe pas, elle monte de la terre et finit pas l’envelopper tandis que le jour tombe à n’en plus finir….
Mais revenons à Jean.
Lui est dans la lune parce qu’il veut voir un lever de terre, tout simplement.
Il en a marre de croissants, des quartiers,
marre de se voiler la face
marre d’avoir une face cachée
marre d’être plein, de monter ou de descendre
marre des marées
des critères et des cratères
et des levées de haricots verts
des pommes de terre qui noircissent
des truies qui sentent la chaleur venir entre leurs cuisses
des poissons qui ne mordent pas aux vers
marre des mares qui se reflètent au clair de lune
marre de toute ces croyances
des bébés qui naissent quand elle est pleine
des cheveux qui repoussent
marre des gens qui ont du mal a dormir
et qui font l’amour une nuit par mois
marre des lunatiques
des gens qui se marrent dans les bois de Clamart
et qui s’éclipsent dans de folles clameurs
quand les clampins du clan clament qu’ils en ont marre
marre des fous et des camisoles
des loups qui lui hurlent après
de ceux qui cherchent un lampadaire pour en finir
lune fois pour toutes.
alors que c’est si beau un lever de terre quand on la voit depuis la lune
ça se lève à n’en plus finir…