Il faut que j’en parle à la lune.

luneLa lune, c’est un peu comme une femme, on peut lui parler mais elle a ses moments, des bons et des moins bons.

Au début, elle s’élève doucement et commence à grandir dans la force de son printemps. Puis vient la phase de rayonnement, elle est pleine ; c’est le temps des semences, elle est le réceptacle de la vie et de la fécondité universelle.

Puis les beaux jours la mènent doucement vers l’automne, il est temps de se poser, de regarder grandir les fruits du plein été.

Vient ensuite l’hiver, le temps de l’obscurité qui s’étale doucement, le temps du silence annonciateur d’un autre cycle de la vie. Même si dans son périple régulier la lune semble soumise aux lois de la naissance et de la mort, c’est ici que s’arrête sa ressemblance avec les femmes qui ne peuvent contrôler l’écoulement du temps.

La lune, c’est Hécate, la fille du soleil,  la déesse à trois têtes qui symbolise les trois phases de la vie : la croissance, l’age mur et la vieillesse. C’est Séléné, la fille du silence, c’est la déesse de la prospérité, l’œil de la nuit qui relie la mer  la terre et le ciel. C’est la mère des terreurs nocturnes que loups et vampires habitent pour un temps dans les couloirs obscurs et menaçants des rêves. C’est d’ailleurs faute d’avoir sous la main des loups ou des vampires qu’on sacrifiait autrefois les chiens qui hurlaient les nuits de pleine lune.

Nouvelle, blanche, noire ou rousse, ronde ou pleine, la lune  ressemble à une autre femme ;
une qui brille pour assurer les pas du berger dans la nuit,
une qui se voile dans l’obscurité du désir,
une qui se dévoile aux hommes qui la veulent dans les nuits de pleine lune,
une qui se fait miel pour une nuit de fiançailles
une qui se cache aux regards impudents,
une qui rend grincheux les lunatiques,
une qui fait rêver les distraits qui perdent le fil des choses en voyant ses rondeurs,
une qui s’éclipse pour veiller sur le sommeil des enfants.

Mais la lune, c’est autre chose.

Rien ne  vaut un clair de lune pour raviver l’éclat des draps, c’est pour cela que nos grand-mères  étendaient le linge dans l’herbe à la pleine lune pour obtenir un blanc immaculé.

On dit que quand la lune est croissante, c’est le moment de tailler les arbres, c’est l’heure de semer le blé, haricot, les tomates et les autres végétaux. Les fruits tiendront la promesse des fleurs et la récolte sera d’autant plus fructueuse que pendant cette phase de sa vie la lune prend la forme d’une faucille d’or oubliée dans le champ des étoiles. Si la lune est trop jeune, le foin coupé perdra en qualité mas la fleur offerte à la fiancée gardera toute sa beauté.

Si la lune décroit, il est temps de cueillir les fruits de la croissante, de moissonner, de couper les arbres pour autant que le vent porte vers les forets le souffle glacé  du Nord. La lune ressemble à s’y méprendre à un panier de pastourelle. Dans sa maturité, elle ravive les parfums et les couleurs, c’est la lune des gourmands, la lune des croissants.

On dit que quand elle est nouvelle, il est recommandé de ne pas remuer les pommes de terre qui risquent de noircir parce qu’elles sont luno-sensibles, c’est pas non plus le meilleur moment pour ramasser des champignons, mieux vaut laisser passer cinq ou six jours.

Et puis parfois la lune perd la boule, c’est le cas de la lune rousse, la première qui suit le jour de pacques. Elle vous brûle les bourgeons en moins de deux.

Et puis il y a la lune mercrude , celle qui pourrit la vie du monde : “Luna mercruda, femna barbuda è belamaïre mostachuda, cada cent ans n’i a pro amb una,” et pour peu qu’elle se mêle avec la lune rousse et les saints de glace, il va faire mauvais jusqu’à l’été.

Il y a de quoi être mal luné.

 

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