Parole d’arbre et main tendue

Ma main à couper que je suis un hêtre de parole, et je vais tout vous raconter.

Tout a commencé il y a un siècle dans le travers de Parry.

Le travers, c’est beaucoup dire, c’est plutôt une pente douce qui descend vers le petit ruisseau en contrebas du vallon ombragé.

D’ailleurs, si la vallée est ombragée, j’y suis pour quelque chose et je n’y fais pas que de l’ombre ; mais vous n’y voyez rien vous qui ne savez pas différencier un vallon d’une vallée, un pré d’une prairie, une source d’un ruisseau ou un bois d’une foret.

Mais revenons à notre histoire.

En fait, je suis tous les sens de la terre.

J’écoute pour elle
je prends le temps
je sais d’où vient le vent
je la protège de la pluie et de l’assaut des gouttes
j’étire les ombres et joue de la lumière
j’accueille ses oiseaux
j’abrite ses troupeaux
je rythme ses saisons
Je partage mon écorce avec la sienne
j’équilibre la moiteur de ses couches avec mes complices champignons.
Je distille la lumière, juste assez, juste celle qu’il faut au bon moment.
Je marque les caprices tu temps, celui que je me donne et celui que l’on me laisse, mais ça, c’est une autre histoire.
Je prends, je rends, j’attire, je protège, je guide, je nourris, je réchauffe, j’abreuve….

Je n’ai rien d’un objet, je suis un Hêtre à part entière avec sa tête, son tronc et ses membres grands offerts.

En fait, je ne sors pas de la terre, je la prolonge,
Je suis son bras armé, son porte parole
mes doigts s’ouvrent vers le ciel pour en saisir la manne à pleine poignées
Je suis un repère pour le promeneur
une abri pour le berger
une caresse pour la joue de l’enfant qui s’ennuie

une cache pour la grive désorientée
un parfum pour l’abeille

Je suis la main de la terre.

C’est beau une main, c’est la prolongation de l’être. Ça montre, ça se tend, ça se serre, ça prend, ça donne, ça étreint, ça caresse, ça se joint, ça s’ouvre, ça reçoit, ça guide l’aveugle dans son noir.

Une main, c’est une révélation. Ça dévoile de nous bien plus que nos mots, c’est surement pour ça qu’on la tend tantôt pour donner sa parole, ou qu’on la laisse d’autres fois dire des choses que la parole ne sait pas traduire.

Qu’importent toutes ces histoires et ces jeux de vilains.

Si d’aventure vous passez tout près, prenez moi dans vos bras et laissons nous bercer.

 

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