Au lavoir de San Miguel

lavoir_vignetteDa la rue des braséros au lavoir de San Miguel, il n’y a qu’un pas, celui de Carlita.

Aujourd’hui c’est le jour de mouiller les couleurs, le jour de tout mélanger, le jour de faire la somme des gens et des jours qui passent sans faire un pli,  comme du linge qu’on repasse.

La lessive, c’est le travail de Carlita, le travail de la grande sœur, celle qui fait marcher la maison pendant que sa mère essaye vainement de vendre des ballons aux touristes enchapeautés qui boivent la lémonada là bas, sur la place de l’église.

Et d’ailleurs que viendrait faire ici des touristes ou des ballons? Rien de bon. Ici, on passe et repasse la semaine au fil des bacs figés dans les ocres du mur.

Ici, le temps c’est un mouvement qui agite les couleurs  sur les berges du bac. Ici tout se mêle, tout perd son caractère. Les tissus qui voilent les corps des unes au regard des autres se mêlent sans pudeur dans la nudité éphémère que laisse entrevoir la  symphonie des couleurs fatiguées.

Plus de filles, plus de garçons, des tissus et du savon, des fripes qui se mêlent, se frottent, se frôlent, s’agitent, se tordent et se retordent sous les mains de la jeune fille.

lavoir_petitDes tissus qui s’empilent comme les jours de la semaine contre les ocres délavés par les assauts du chlore et des savons.

La chemise du lundi et le corsage du vendredi côtoient pour un temps les torchons de la misère dans le bac des souvenirs rafraichis par les rides de l’eau qui efface les marques de la vie sur la trame des couleurs.

Ce soir, le linge flottera dans le vent  sucré qui descend de la sierra.

Demain, tout recommencera.

San Miguel de Allende, aout 2012

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