Tango tiempo

Elle a dit oui au cabeceo.

avec la tête,
avec les yeux
avec le corps

Oui pour le temps qui va venir.

Oui à l’abrazo
aux notes qui coulent du bandonéon comme un ruisseau d’avril.

Oui à tout ça, tout ça pour ça.

C’est un jeu en accord avec le temps, si on peu parler d’accord…

Ça commence, ça passe, ça pause, ça gronde, ça s’emballe, ça se croise, se recoupe, ça se perd, ça se retrouve dans un souffle partagé.

Le tango, c’est comme la mer, comme le cycle des marées.

Il est marée de flux, celle qui monte des fonds froids, couvre le sable de temps en temps, par petits bouts, tourbillonne sur place, repart vers le large et revient pour repartir.

Elle est marée reflux, ivre de son séjour contre la terre, elle suit le mouvement du monde, descend doucement, remonte pour un temps, tourbillonne sur place, remonte vers la terre et y revient pour repartir.

Ils sont marées de pleine lune, celle des flots de mars qui grondent dans la nuit quand ils s’étendent sur les grèves.

De temps en contretemps,  le flot de mer frappe le rocher de l’instant, petits a-coups posés sur le tempo où croisent les marées.

Le tango, c’est aussi noir que la mer noire. C’est noir éclair, comme une mer qui s’emballe et bouscule les nacres du bandonéon.

Une mer bordée de casinos et de barres d’acier noircis de sel.

Il est mer noire, elle est mère rouge.

Ses lèvres rouges tranchent sur le noir du tangero
rouges comme la muléta du torero
tellement rouges qu’il n’y ait que le sang qui soit plus rouge
celui qui tourbibouillonne dans leurs corps balancés par le tempo

Ils sont libres
Libres de leurs mouvements,
Libres de leurs effleurements
Libre des contretemps
Libres du temps qu’ils se donnent
Le juste temps qui file sous leurs pas
Le temps du tango.

Je suis là, je les vois, je me vois, je nous revois, inconnus d’un soir sur le parquet fané.

Je me souviens des marées hautes, du parfum et du soleil qui brillait sur la mer
crinières de nuit ou toisons de safran enflammées de couchant
sur un ciel noir orange
lèvres rouges mer rouge
M’enivrer à mon tour du parfum de son sang
prendre la mer à bras le corps et me laisser bercer par l’onde de ses reins
me laisser emporter par la milonguera d’un soir
vers les rives parfumées de la mer d’Argentine.

 

 

 

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