Le temps d’une rencontre
Posted on 10 mai 2021 in Cartes postales
S’il est vrai que les plus beaux voyages sont ceux qui nous restent à faire, je sais que voyager n’est pas voyager, c’est juste faire des rencontres, apprendre à ressentir les émotions que nous procurent les lieux, entrer en communication avec celles et ceux qui les ont peuplés.
Flaubert avait raison quand il disait que les voyages nous remettent à notre petite place dans l’immensité d’un monde que nous explorons par nos errances. Voyager, c’est quelque part retourner à l’essentiel, une façon de se retrouver au travers des lieux et des âmes qui les hantent.
Oublier ses lunettes et ses préjugés au commencement du voyage et se laisser porter par les temps et les lieux, se poser et se laisser approcher par les vibrations d’un bureau, d’une chambre ou d’un atelier.
Je sais que ces rencontres font de moi un privilégié, quelqu’un qui a eu les moyens de ses périples, c’est pourquoi je tiens à partager ces moments inoubliables.
Je ne mettrai pas de photos personnelles de ces voyages à quelques exceptions près pour une raison qui porte en elle même tout son sens ; toutes ces photos ont été accidentellement détruites lors d’un transfert de disque dur. Un clin d’œil du hasard pour rappeler aux voyageurs que nous sommes qu’il ne s’agit pas de montrer un selfie pour avoir pris toute la mesure d’une rencontre.
Trotski et Frida Kahlo à Mexico
Rien ne prédisposait Léon Trotski et Frida Kahlo à cette rencontre, et pourtant… La fureur obsessionnelle de Staline d’un coté, les amours compliquées et un engagement communiste de l’autre.
En janvier 1937, les couples Trotski et Rivera se rencontrent et ne se quitteront plus jusqu’à l’assassinat du révolutionnaire russe.
Au centre de Coyoacán, petit quartier tranquille de Mexico, la casa azul dans la rue de Londres et quelques centaines de mètres plus loin, la maison de Trotski où a aussi séjourné André Breton, que l’on peut voir ici en photo à Patzcuaro en compagnie de Rivera.
Tout dans la maison bleue rayonne du génie de Frida, un moment intense de fraicheur et d’émotion qui tranche avec l’austérité de la maison de Trotski. Frida a trop souffert des blessures de la vie et a demandé à être incinérée pour ne pas être enterrée couchée, ses cendres reposent sur son lit de douleur depuis le 14 juillet 1954, auprès du corset qu’elle porta jusqu’à sa mort.
Léon Trotski assassiné assassiné le 20 aout 1940 par Ramón Mercader sur ordre de Staline repose dans son jardin, au 410 de l’avenue Río Churubusco.
Quelques dizaines de mètres seulement séparent les deux amants endormis à jamais sous le soleil de Mexico.
Diego repose au Pantéon de dolores à Mexico.
Sigmund Freud à Vienne
La porte de immeuble de style néo-classique du 19 Berggasse dans le quartier Alsergrund de Vienne s’ouvre sur un escalier monumental qui mène au premier étage ou Freud et sa famille ont vécu pendant plus de 40 ans.
Une salle d’attente aux fauteuils de velours rouge, des diplômes et tableaux ornent le mur ocre de la salle d’attente.
Pendant 47 ans de carrière, le fondateur de la psychanalyse recevra dans son bureau ou s’empilent livres et bibelots des centaines de patients, y formera des disciples dont sa propre fille Anna.
Quelque chose d’unique hante ce bureau, la vue du canapé, les têtes réduites collectionnées sur le petite table , une ambiance feutrée et secrète émane de ce lieu, envahit et apaise les passants de l’histoire d’un des plus grand génies du vingtième siècle.
Tout les moments d’exception ont une fin, il est temps de retrouver les rues ensoleillées de Vienne.
Franz Kafka à Prague
Franz Kafka est né le 3 juillet 1883 dans la maison qui fait l’angle de la rue Kaprová avec la rue Maislová.
Son musée se situe dans l’ancienne briqueterie Herget, sur les berges de la Vltava, à Malá Strana
On plonge ici dans l’univers tourmenté et absurde de Franz Kafka. Ses œuvres en édition originale, sa correspondance, ses journaux intimes, ses manuscrits, des photographies et des dessins qui n’ont jamais été publiés ni exposés par le passé.
Une étrange sensation, une impression d’entrer de l’univers de l’auteur de la métamorphose, du procès et du château.
Un univers d’où il est difficile de s’extraire. Franz le fera en 1924, et c’est tout naturellement qu’après une rencontre aussi intense, une pause de réflexion s’impose sur sa tombe au nouveau cimetière juif de Prague.
Le génie y repose aux cotés de sa famille, mais aussi des victimes de holocauste des juifs et des résistants de Tchécoslovaquie.
Mais il est temps de revenir sur les rives de la Vltava. Les touristes se pressent sur le pont Charles, haut lieu pour les amoureux qui ne regardent qu’eux. Au milieu du Pont, un contrebassiste joue de l’ennui.
En bas, au bout du pont, un homme supplie à genoux la face contre terre. Il ne prie pas, ne croit en rien sinon à sa misère. Dieu n’est pas là, pas en ce moment, il a affaire ailleurs.
ici, c’est chacun pour soi sur le pont ruisselant de soleil.
Les gens passent sans le voir, leur ombre de gens debout écrase celle de l’homme à terre, juste pour quelque temps, le temps d’un passage furtif le regard vers l’ailleurs.
Un ailleurs vers le tourbillon de la rue des boutiques qui rutilent et scintillent des cristaux de Bohème.
Le bureau de Ben Gourion à Sde Boker
A cinquante kilomètres de Beer Sheva, la ville d’Abraham qui abrite à la fois le puits des patriarches et le plus grand marché de contrefaçons d’Israël, David Ben Gourion repose depuis 1973 au Kibboutz de Sde Boker.
450 habitants y vivent dont 170 membres du kibboutz et 130 de leurs enfants. On y cultive la vigne, les fruits, on y élève des volailles.
On y apprend l’environnement et l’adaptation humaine dans les climats arides. C’est peut-être aussi pour cela qu’on est saisi par la simplicité du mode de vie du personnage pionnier de l’histoire d’Israël.
Fuyant les honneurs et refusant d’être enterré au panthéon des grands de la nation dont il avait pourtant impulsé la création, Il repose aux cotés de sa femme à quelques pas de là, tourné à jamais vers l’immensité du désert qu’il révait de féconder.
Le jardin des oliviers
Et il vint vers les disciples, qu’il trouva endormis, et il dit à Pierre: Vous n’avez donc pu veiller une heure avec moi! Veillez et priez, afin que vous ne tombiez pas dans la tentation; l’esprit est bien disposé, mais la chair est faible.…”
Chaque année, le Jardin des Oliviers est le point de départ pour la procession du vendredi Saint, conduite par les franciscains.
A la tombée de la nuit, tous les fidèles et pèlerins se réunissent au Gethsémani pour veiller dans la prière de l’Heure Sainte avant de se diriger vers le Lithostrôtos , là où Jésus passa la nuit en prison. On peut d’ailleurs voir encore sur les pavés le damier du jeu de dés ou les soldats jouèrent sa tunique.
Face la porte des lions, le jardin Le Jardin des Oliviers se trouve à l’ouest de la vallée du Cédron, au croisement entre le sentier qui monte jusqu’à l’église Dominus Flevit et la Jericho Road. A l’entrée du sanctuaire du Gethsémani, le jardin occupe une superficie d’environ 1 200 m2.
Une grille permet aux pèlerins de se promener autour des oliviers centenaires et de protéger ces derniers du nombre important de visiteurs.
À côté des huit oliviers les plus anciens, ont été plantés de nouveaux oliviers qui ont remplacé les cyprès et les fleurs qui, au dix-neuvième siècle, étaient utilisées pour orner le Saint-Sépulcre.
Des chercheurs viennent de démontrer que tous ces oliviers ont un ADN identique, ils ont tous été greffés à partir du même arbre qui a probablement assisté à la nuit d’angoisse du Christ.
Nuit et brouillard au camp de Mathausen
Dans un paysage de rêves écrasé par les cimes, à deux collines du Danube, à quelques nuits du ciel, s’ouvrent les portes de l’enfer.
Ici pas d’avenir, ici la fin des souvenirs.
Malheur à celle qui revient sur ses pas.
Malheur à ceux qui ne travaillent pas.
A quelques pas de ces barbelés, derrière, à gauche, à droite, ici, la bas, mais qu’importe le lieu ; l’escalier de la mort aux 186 visages résonne pour toujours des cris des suppliciés.
Il n’y a pas si longtemps.
Il est difficile de connaître le nombre exact de déportés morts à Mathausen et dans les commandos annexes. D’après l’Amicale de Mathausen et les historiens, on estime que plus de 118 000 personnes ont été exterminées (fusillées, gazées, etc.) à Mathausen, déportées de tous les pays d’Europe, résistants, Juifs, Tsiganes…
La carrière employait des déportés pour les exterminer par le travail ; ils devaient porter de lourdes pierres et remonter l’escalier de 186 marches sous les coups des SS et des kapos.
Celui qui fléchissait était immédiatement abattu.
Au retour de cette sombre visite, j’ai écrit un article en hommage à Gérard Menatory, ancien déporté. de ce camp de la mort.