Toi l’étranger-e, quand tu mourras.

Je me suis souvent demandé ce que pouvait être le sens des mots :  Pas de réponses, pas un mot ; tout au plus quelques  lambeaux.

Qui frappe à nos portes? un étranger? un réfugié? un parent? une sœur?

Je croyais avoir compris cette parole du Lévitique : Vous traiterez l’étranger en séjour parmi vous comme un indigène du milieu de vous ; vous l’aimerez comme vous-mêmes, car vous avez été étrangers dans le pays d’Égypte.

Je me souviens de la petite école et de la sœur qui nous lisait ces mots qui mettaient des couleurs sur l’espérance et la foi en l’humanité : Car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli.

Je me souviens de mes années d’université ou le professeur de droit coranique citait ce verset du Coran : ceux qui ont donné refuge et porté secours, ceux-là sont les vrais croyants : à eux, le pardon et une récompense généreuse

Je me souviens de la lettre de Paul aux Hébreux : N’oubliez pas l’hospitalité ; quelques-uns en la pratiquant ont, à leur insu, logé des anges.

Mais les anges ont-il une couleur? Des anges blancs? des anges blonds, des anges noirs, des anges arc en ciel? Quelle est la vraie couleur de l’ange de la mort?

Je me souviens de mon professeur de philosophie qui citait Emmanuel Kant : Hospitalité signifie le droit qu’à un étranger arrivant sur le sol d’ un autre de ne pas être traité en ennemi par ce dernier (…), le droit qui revient à tout être humain de se proposer comme membre d’une société, en vertu du droit à la commune possession de la surface de la terre, laquelle étant une sphère, ne permet pas aux hommes de se disperser à l’infini, mais les contraint à supporter malgré tout leur propre coexistence ; personne à l’origine n’ayant plus qu’un autre le droit de se trouver en un endroit quelconque de la terre.

Mais je crois qu’il va falloir bouleverser tous ces textes, en raturer, en revisiter, en effacer. L’heure n’est plus à l’accueil, plus à l’amour mais au réalisme cynique.

A toi Svetlana qui fuis les bombes lancées par le Tsar pour semer la terreur.
A toi Fatima qu’on a enfermée dans un camp financé par l’union européenne à la frontière turque
A toi Fatoumata qu’on a violée dans ta fuite à travers la Syrie, esclave sexuelle engrossée et noyée dans les eaux silencieuses de la méditerranée
A toi Laïla l’afghane qui n’ira pas à  l’école là bas et qui n’y viendra pas non plus ici.
A toi Médina la Ouïghour dont on efface le prénom avec la gomme du pouvoir
A toi Naélia l’érythréenne
A toi Rania la palestinienne qui vois ton peuple s’effacer sous la fureur des bombes

A vous toutes et tous les désespérés qu’un apôtre de la haine et de la négation de l’histoire veut reconduire aux frontières de votre désespoir.

A vous toutes et tous qui fuyez la mort, à vous les victimes “civiles” de la guerre, puisqu’il existe dans nos esprits embrumés deux façons bien distinctes de mourir.

A vous tous les enfants dont les larmes sucrées adoucissent le calvaire des grands

 

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